France : 800.000 soignants manifestent leur refus de l’euthanasie

Source: FSSPX Actualités

Les organisations ayant signé le document refusant l’euthanasie

Treize organisations professionnelles et sociétés savantes ont publié le 16 février 2023 un « avis éthique commun », intitulé « Donner la mort peut-il être considéré comme un soin ? ». Ces organisations rassemblent des médecins, des infirmiers, des aides-soignantes et des personnels d’accompagnement en gériatrie.

Les spécialités concernées touchent l’oncologie, la gériatrie, les soins palliatifs, mais aussi la pédiatrie. Le sous-titre explique la méthodologie de cet avis : « Réflexions éthiques interprofessionnelles sur les perspectives de légalisation de l’assistance au suicide et de l’euthanasie et leurs impacts possibles sur les pratiques soignantes. »

L’avis est une démonstration rigoureuse qui doit aboutir à la réponse à la question posée dans le titre. Il est intéressant de suivre ces professionnels, confrontés quotidiennement à la fin de vie et à des demandes d’euthanasie, dans cette réflexion intellectuelle nourrie de leur expérience.

Les variations du Conseil consultatif national d’éthique (CCNE)

L’ouverture du débat sur l’euthanasie en France a été marqué, comme pour la plupart des mutations majeures dans le domaine bioéthique, par une palinodie du CCNE. Comme le relève le document, l’avis n°139 du CCNE, du 13 septembre 2022, a estimé « qu’il existe une voie pour une application éthique d’une aide active à mourir », en contradiction flagrante de son avis n°122 du 30 juin 2013.

Ce dernier notait qu’une telle législation « à la lumière des expériences étrangères [est] très difficile à stabiliser », et il « soulignait les risques qui en découlent au regard de l’exigence de solidarité et de fraternité qui est garante du vivre ensemble ». Ces inconvénients auraient-ils disparu aujourd’hui ? Toujours est-il que les organisations soignantes signataires estiment devoir réagir.

Les rédacteurs pointent 14 éléments du processus de mort médicalement administrée, qu’il s’agisse de suicide assisté ou d’euthanasie, dans lesquels le personnel médical doit être engagé peu ou prou : ils devront donc donner la mort, peu ou prou.

Le retour aux fondements de la médecine

Le médecin, l’infirmier, l’aide-soignante et tout autre personnel qui participe à la réalisation de l’art médical est dédié au soin. L’Académie de Médecine le définit ainsi : « ensemble des mesures et actes visant à faire bénéficier une personne des moyens de diagnostic et de traitement lui permettant d’améliorer et de maintenir sa santé physique et mentale ».

L’obligation du soin est d’ailleurs inscrite dans le Code de la Santé Publique : le médecin comme l’infirmier « n’a pas le droit de provoquer délibérément la mort ». C’est l’écho du texte fondateur de la médecine, le fameux serment d’Hippocrate : « Je ne provoquerai jamais délibérément la mort. »

Face à cette obligation de soin, le devoir d’aider les patients en fin de vie est pressant, d’autant que les méthodes thérapeutiques ou de soulagement de la douleur sont aujourd’hui capables de réduire considérablement cette dernière, et, dans la plupart des cas de la supprimer ou presque.

Donner la mort ne peut en aucun cas être assimilé à un soin

« Actuellement, aucun pays n’a légalisé une forme de mort administrée sans insérer dans le processus la participation d’un soignant, que ce soit pour réaliser l’acte lui-même (euthanasie), pour réaliser la prescription d’un produit létal (suicide assisté modèle Oregon) ou pour réaliser une évaluation et une validation de la demande (suicide assisté modèle Suisse) », analysent les soignants.

« L’ensemble des professionnels interrogés refusent catégoriquement la démarche euthanasique, et spécifiquement les actes de préparation, de mise en place et d’administration d’une substance létale », indique l’avis. Si le soignant n’a pas à administrer la substance létale, l’opposition des soignants est « différente ».

Toutefois un consensus demeure : que ce soit une euthanasie ou un suicide assisté, « ces procédés ne peuvent pas être assimilés à un soin », car donner la mort s’oppose à la définition même du soin et à toute la tradition hippocratique. Ils doivent donc « être matériellement séparés de la pratique soignante ».

En conséquence, les soignants « demandent au Gouvernement et aux Parlementaires, s’ils décident de faire évoluer la loi, de laisser le monde du soin à l’écart de toute implication dans une forme de mort administrée ».

Affirmant qu’ils « continueront d’accompagner toutes les personnes soignées de manière inconditionnelle », ils appellent également le législateur « à adopter une lecture systémique et de long terme ». Améliorer « significativement » le cadre d’accompagnement des personnes en fin de vie doit figurer parmi les priorités.

Les demandes de mort

Les signataires répondent d’avance à l’objection des demandes de mort. Par expérience, ces soignants connaissent « le caractère fluctuant dans le temps de la volonté », surtout en période de fin de vie. Ainsi, il est fréquent « qu’une même personne exprime des souhaits contradictoires à quelques jours d’intervalle, dans la même journée ou au cours d’une même conversation ».

Ils connaissent aussi les raisons sous-jacentes qui font exprimer ces désirs et qu’il faut savoir décrypter pour aider le patient : symptômes non-contrôlés, détresse morale persistante, demande d’aide, de reconnaissance de la souffrance, besoin de prise en charge. Il savent aussi que l’entourage, pour des raisons diverses, peut provoquer cette demande. La conclusion du document est très nette :

« Alors que le système de santé en France connait une suite ininterrompue de crises, il apparaît absolument prioritaire de combler les lacunes criantes de notre modèle de prise en charge. A l’inverse, les organisations signataires ne comprendraient pas que, par la légalisation d’une forme de mort médicalement administrée, le législateur transforme fondamentalement la définition du soin et décide de mettre fin à l’éthique collective. »